Le dôjô en aïkido traditionnel

Aïkido traditionnel le dôjô, sempä, kohaï

Le yin/yang, omote/ura la différence de potentiel

Dans la tradition orientale, c’est la différence qui engendre la vie, tandis que l’uniformité et la norme symbolisent la mort.
Ce concept reste difficile à saisir pour les Occidentaux, qui s’en emparent souvent pour jouer les érudits, mais qui, neuf fois sur dix, en parlent en colportant des contrevérités — surtout dans le milieu de l’aïkido.
À tel point que Tamura sensei, face à l’ampleur des inepties proférées, s’est même demandé s’il ne valait pas mieux cesser d’en parler.

1. Où est ma place au dojo ?

Une question posée au stage de Bussy (boite à question)
Dans un dojo d’aïkido traditionnel, comme celui d’Alain Peyrache sensei (qui suit la voie du fondateur, Morihei Ueshiba, et de l’Aïkikaï), la coutume de se placer du moins ancien au plus ancien (en ligne ou en cercle) lors du salut du début et de la fin du cours est profondément ancrée dans la tradition martiale japonaise.
Origine de la coutume, présente dès les débuts de l’aïkido (années 1930–1940).
1. Héritage des arts martiaux japonais (bujutsu/koryū)
  • Période : Cette pratique remonte aux écoles anciennes (koryū) de sabre, de jujutsu et d’autres arts martiaux japonais, bien avant la création de l’aïkido.
  • Contexte : Dans les dojos traditionnels, la hiérarchie et le respect des anciens (senpai/kōhai) sont centraux. Le placement reflète l’ordre d’ancienneté, qui détermine aussi l’ordre des exercices, des conseils, et parfois même des responsabilités au sein du dojo.
2. Intégration dans l’aïkido
  • Période : Dès les débuts de l’aïkido (années 1930-1940), Morihei Ueshiba a intégré cette coutume, car il a formé son art à partir de traditions martiales existantes (notamment le Daitō-ryū) et de valeurs shinto/bouddhistes.
  • Influence : Ueshiba a insisté sur le respect, l’humilité et la transmission, valeurs qui se manifestent par ce rituel de placement.
Sens et symbolique
1. Respect de la hiérarchie (senpai/kōhai)
  • Senpai (ancien) : Celui qui a plus d’expérience, qui guide et transmet.
  • Kōhai (moins ancien) : Celui qui apprend, écoute et respecte.
  • Placement : Les moins anciens se placent à gauche (côté considéré comme inférieur dans la tradition japonaise), les plus anciens à droite (côté supérieur).
2. Harmonie et unité du groupe
  • Le placement ordonné symbolise l’unité du dojo, l’harmonie entre les pratiquants, et le respect mutuel, valeurs centrales de l’aïkido.
3. Préparation mentale
Ce rituel marque le passage entre le monde extérieur et l’espace sacré du dojo, aidant à se recentrer et à adopter une attitude respectueuse et attentive.
À quelle époque est apparue cette coutume ?
  • Dans les koryū : Dès l’époque féodale (XVIe–XIXe siècle), dans les écoles de sabre et de jujutsu.
  • Dans l’aïkido : Dès la formalisation de l’aïkido comme discipline indépendante (années 1930–1940), Ueshiba a repris et adapté ces codes pour son propre dojo, l’Aïkikaï Hombu Dojo.
Pourquoi cette coutume persiste-t-elle ?
  • Transmission : Elle perpétue l’esprit des arts martiaux traditionnels, où le respect et la hiérarchie sont essentiels à la transmission du savoir.
  • Chacun doit savoir où est sa place : Elle rappelle à chacun sa place, favorise l’humilité et l’écoute, et structure la vie du dojo.
  • Culture japonaise : Elle reflète des valeurs culturelles profondes (respect des aînés, importance du groupe, rituels).
Pourquoi est-ce important aujourd’hui ?
Cette coutume rappelle que l’aïkido n’est pas seulement une technique, mais une voie (dō) où le respect, l’humilité et la communauté sont aussi importants que les mouvements eux-mêmes.

2. Si on change de dojo ? Aurais-je la même place ?

Dans un dojo d’aïkido traditionnel, votre place dans l’alignement (de gauche à droite, du moins ancien au plus ancien) dépend toujours de votre ancienneté relative aux autres pratiquants présents sur le tatami, et non de votre ancienneté absolue ou de votre grade dans un autre dojo.
Voici comment cela fonctionne en pratique lorsque vous changez de dojo :
1. L’ancienneté est locale et relative
Dans un nouveau dojo, vous perdez automatiquement votre ancienneté acquise ailleurs. Votre place dépend désormais de :
  • Votre date d’inscription dans ce dojo (par rapport aux autres élèves).
  • Votre grade (si le dojo prend en compte les ceintures ou les niveaux pour l’alignement, ce qui est rare en aïkido traditionnel).
  • La décision du sensei qui gère son dojo comme il le veut et cela ne regarde personne sinon lui et l'élève concerné... (certains dojos placent les invités ou les nouveaux à gauche par défaut, quel que soit leur niveau).
2. Règles courantes selon les dojos
  • Nouvel élève On se place à l’extrême gauche (moins ancien), quel que soit son niveau ailleurs.
  • Visiteur/Invité Souvent placé à gauche, sauf si le sensei décide autrement (par respect pour le grade).
  • Élève transféré On reprend sa place selon la date d’inscription dans le nouveau dojo.
  • Élève de passage On se place à gauche, ou selon l’invitation du sensei local.
3. Pourquoi cette règle ?
  • Respect du dojo et de son histoire : Chaque dojo a sa propre dynamique et ses propres anciens. L’ancienneté est liée à la fidélité et à la participation à la vie du dojo.
  • Humilité : Cela rappelle que l’aïkido est une voie d’apprentissage continu, et que chaque dojo est une nouvelle opportunité de progresser, quel que soit son niveau.
  • Cohésion du groupe : L’alignement reflète l’ordre interne du dojo, pas une hiérarchie absolue.
4. Exceptions possibles
  • Si deux dojos sont très proches (même maitre), on peut tenir compte de l’ancienneté globale.
5. Que faire en pratique ?
  • Observer : Regardez comment les autres s’alignent et placez-vous discrètement à gauche si vous êtes nouveau.
  • Demander : Si vous hésitez, demandez à un senpai ou au sensei où vous placer.
  • Accepter : Même si vous êtes plus gradé, acceptez de vous placer selon les règles locales, par respect pour le dojo et son sensei.
En résumé
  • Votre place n’est pas “transférable” : Chaque dojo recalcule l’ancienneté localement.
  • L’humilité prime : Même un expert se place à gauche dans un nouveau dojo.
  • Le respect du lieu est essentiel : C’est une marque de politesse envers le sensei et les pratiquants locaux.

3. Effet pervers du système sempaï / Kohaï

1. Développement de l’ego et de l’arrogance
Le système d’alignement et de hiérarchie dans les dojos d’aïkido (et plus largement dans les arts martiaux traditionnels japonais) repose sur des valeurs de respect, d’humilité et de transmission. Cependant, comme tout système humain, il peut générer des effets pervers ou des dérives, notamment liés à l’ego, au pouvoir, ou à une mauvaise interprétation des principes.

Voici les principaux écueils observés, avec leurs conséquences et leurs origines :
Chez les senpai (anciens) :
  • Sentiment de supériorité : Certains senpai peuvent se croire “supérieurs” simplement parce qu’ils sont plus anciens, même si leur maitrise technique ou leur attitude ne le justifient pas.
  • Abus de pouvoir : Utiliser son statut pour rabaisser les kōhai (moins anciens), leur donner des ordres injustifiés, ou les humilier sous prétexte de “les endurcir”.
  • Manque d’empathie : Oublier qu’on a soi-même été débutant, et adopter une attitude hautaine ou méprisante.
Chez les kōhai (moins anciens) :
  • Frustration : Se sentir constamment rabaissé ou ignoré, surtout si le senpai n’est pas pédagogue ou bienveillant.
  • Découragement : Certains abandonnent l’aïkido à cause d’un climat toxique, où l’ancienneté prime sur la qualité de l’enseignement ou le respect mutuel.
2. Favoritisme et inégalités
  • Privilèges injustifiés : Certains senpai reçoivent plus d’attention du sensei, des responsabilités ou des avantages (comme l’accès à des stages) simplement parce qu’ils sont là depuis longtemps, et non parce qu’ils le méritent.

    À l’inverse, des pratiquants talentueux mais récents peuvent être ignorés.
  • Création de “cliques” : Les anciens forment parfois un groupe fermé, excluant les nouveaux ou les “étrangers” (venus d’autres dojos), ce qui nuit à la cohésion et à l’esprit d’ouverture de l’aïkido.
3. Rigidité et manque d’adaptabilité
  • Refus du changement : Certains senpai ou sensei refusent d’évoluer, s’accrochant à des méthodes pédagogiques dépassées.

    Cela peut freiner la progression technique ou philosophique du dojo.
  • Dogmatisme : La tradition devient une fin en soi, et non un moyen de progresser, un outil. Par exemple, on valorise plus le respect des formes que la compréhension profonde des principes.
4. Manipulation et abus
  • Exploitation des kōhai : Certains senpai ou sensei profitent de leur statut pour demander des services personnels, de l’argent, ou imposer des relations inappropriées, sous couvert d’autorité martiale.
    Cela peut aller jusqu’à des abus psychologiques ou physiques, surtout dans des dojos où le sensei a un pouvoir absolu.
  • Culte de la personnalité : Certains enseignants (ou leurs disciples) développent un ego démesuré, se prenant pour des “maîtres” infaillibles, et exigeant une soumission aveugle pour des choses qui n'ont rien à voir avec la pratique de l'aïkido.
5. Perte de sens de la pratique
  • Oubli des valeurs fondamentales : L’aïkido est censé être une voie de paix, d’harmonie et de développement personnel. Quand la hiérarchie devient une fin en soi, on perd de vue l’essentiel : la pratique martiale et spirituelle. Certains pratiquants se concentrent plus sur leur place dans l’alignement que sur leur progression réelle.
  • Compétition malsaine : Au lieu de s’entraider, les élèves rivalisent pour gagner des places, des grades, ou les faveurs du sensei, créant un climat de tension et de jalousie.
6. Difficultés pour les nouveaux ou les “étrangers”
  • Exclusion des visiteurs : Les pratiquants venus d’autres dojos, surtout s’ils ont un grade élevé ou une approche une pratique différente. Certains dojos refusent même de reconnaître les grades acquis ailleurs, forçant les nouveaux à “recommencer à zéro”, ce qui est décourageant et stupide puisque il s'agit de leur vécu.
Origines de ces dérives
  • Mauvaise interprétation de la tradition : Confondre respect et soumission, hiérarchie et domination.
  • Manque de formation des enseignants : Certains sensei n’ont pas été formés à l'enseignement ou à la gestion de groupe, et reproduisent des schémas toxiques appris eux-mêmes.
  • Pression sociale : La peur de perdre sa place ou son statut peut pousser à des comportements égoïstes ou agressifs.
Comment limiter ces effets pervers ?
  • Encourager une culture de bienveillance : Rappeler que le senpai doit guider et protéger le kōhai, pas le dominer.
  • Rappeler les valeurs fondatrices : L’aïkido est une voie de paix et d’harmonie : la hiérarchie doit servir la pratique, pas l’inverse.
Le système senpai/kōhai est une belle tradition quand il est vécu avec humilité et bienveillance.
Mais quand l’ego, le pouvoir ou la routine prennent le dessus, il peut devenir source de souffrance et de dysfonctionnements.
La vigilance de chacun (enseignants et élèves) est essentielle pour préserver l’esprit originel de l’aïkido.

4. Surface de tatami nécessaire pour la pratique de l’aïkido traditionnel

Surface de tatami nécessaire pour la pratique de l’aïkido traditionnel
Voici des indications précises concernant la surface de tatami nécessaire pour la pratique de l’aïkido traditionnel, en fonction du nombre de pratiquants, afin d’assurer la sécurité et le confort de chacun.
1. Surface minimale par pratiquant en aïkido
Contrairement au judo, où les projections sont souvent linéaires et les combats au sol plus localisés, l’aïkido exige un espace plus large en raison :
  • des déplacements circulaires (tenkan, irimi)
  • des projections kokyu nage, variées (ukemi en avant, arrière, latéral)
  • de la pratique à plusieurs (attaques simultanées, randori)
Recommandations générales :
  • 1 pratiquant seul : 2 tatamis (3 m × 2 m) pour le travail individuel (suburi, ukemi).
  • 2 pratiquants : 4 tatamis (3 m × 4 m) pour un travail en binôme confortable.
  • 3 pratiquants : 6 tatamis (3 m × 6 m) pour éviter les collisions lors des déplacements.
2. Surface recommandée pour un groupe
Pour un cours collectif, il faut prévoir un espace suffisant pour que chaque binôme puisse évoluer sans risque de collision avec les autres. Voici un tableau synthétique :
Nombre de pratiquants Surface recommandée (en tatamis) Surface recommandée (en m²)
4 8 tatamis 12 m²
6 12 tatamis 18 m²
8 16 tatamis 24 m²
10 20 tatamis 30 m²
12 24 tatamis 36 m²
Note : Un tatami standard mesure 1 m × 2 m (soit 2 m²), mais en dojo, on utilise souvent des tatamis de 1 m × 1 m (1 m²). Adaptez donc la surface en fonction de la taille réelle de vos tatamis.
3. Points de vigilance spécifiques à l’aïkido
  • Espace entre les binômes : Prévoir au moins 1,5 m à 2 m entre chaque binôme pour éviter les chocs lors des projections ou des déplacements rapides.
  • Hauteur sous plafond : Minimum 3 m pour les techniques avec armes (bokken, jo) ou les projections aériennes.
  • Forme de la surface : Une forme rectangulaire ou carrée est idéale, mais évitez les angles trop pointus ou les obstacles (piliers, murs proches).
4. Exemple concret
Pour un cours de 10 pratiquants (5 binômes) :
  • Surface minimale : 20 tatamis (30 m²)
  • Disposition : 5 binômes espacés de 2 m, avec un espace central pour les démonstrations.
Ces recommandations s’appuient sur les retours d’expérience de dojos traditionnels japonais et européens.

5. Différences entre tokonoma et kamiza

Kamiza (上座)
Signification : Littéralement « siège supérieur » ou « place d’honneur ».
Rôle
  • Dans un dojo, le kamiza est le mur ou l’espace situé au fond de la salle, souvent marqué par un portrait du fondateur de l’art martial (par exemple, Morihei Ueshiba pour l’aïkido), un calligraphie (kakemono), ou un symbole sacré (comme un kamon ou un shintoïste).
  • C’est la direction vers laquelle les pratiquants saluent (rei) en entrant et en sortant du tatami, ainsi qu’au début et à la fin du cours.
  • Le kamiza représente le respect envers les maîtres, les ancêtres et l’esprit de l’art martial.
Positionnement
  • Toujours situé du côté le plus éloigné de l’entrée principale.
  • Les pratiquants s’assoient généralement face au kamiza pendant les moments formels (méditation, annonces).
Tokonoma (床の間)
  • Signification : Littéralement « alcôve » ou « espace encastré ».
Rôle :
  • Le tokonoma est une alcôve (grotte) traditionnelle japonaise, souvent surélevée, située dans une pièce de réception ou un dojo. Il sert à exposer des objets d’art (calligraphie, arrangement floral, parchemin, sabre, etc.) en lien avec la culture ou la philosophie de l’art martial.
  • Dans un dojo, le tokonoma peut abriter des objets symboliques (un bokken, un jo, une calligraphie de maître, etc.) et est souvent intégré près du kamiza, mais il n’a pas la même fonction rituelle.
  • Il incarne l’esthétique et la spiritualité, invitant à la contemplation et au respect de la tradition.
Positionnement
  • Souvent à droite ou à gauche du kamiza, ou intégré dans le mur du kamiza lui-même.
  • Moins central que le kamiza, mais tout aussi respecté.
Élément Kamiza Tokonoma
Fonction Lieu de salut, symbole d’honneur Espace d’exposition artistique
Contenu Portrait, calligraphie, symbole Objets d’art, armes, parchemins
Rituel Salut obligatoire Respect, mais pas de salut
Position Mur du fond, central Alcôve, souvent latérale
Pourquoi cette distinction est-elle importante en aïkido ?
  • Le kamiza structure la pratique : on s’oriente vers lui pour les saluts, les exercices en ligne, et les moments de concentration.
  • Le tokonoma enrichit l’atmosphère du dojo, rappelant l’aspect culturel et spirituel de la voie martiale.

Supports de cours (Alain Peyrache sensei)