Alain Peyrache sensei répond à vos questions courantes FAQ

Aïkido traditionnel la tradition orientale et la culture occidentale

Attention à ce que vous croyez savoir sur l'aïkido

L’illusion de la maîtrise : quand l’Occident rencontre l’Orient

Dès nos premiers pas sur le tatami, nous sommes convaincus d’une chose : nous savons ce qu’est un art martial.
Après tout, nous avons vu des films, lu des articles, peut-être même pratiqué un sport de combat. Pourtant, en découvrant l’aïkido traditionnel, héritier d’une culture orientale millénaire, nous réalisons rapidement que nos certitudes sont des mirages.
Pourquoi cette dissonance ? Parce que notre éducation occidentale, notre formatage consumériste et même le fonctionnement de notre cerveau nous préparent mal à appréhender la philosophie et la pratique des arts traditionnels orientaux.
L’aïkido, héritier de la culture orientale, fonctionne selon des principes radicalement différents de ceux qui structurent notre éducation et notre société consumériste. Cette opposition culturelle et cognitive explique pourquoi tant de débutants passent à côté de l’essence de l’art martial. Ensuite ils répandent cette fausse idée.
Le cerveau, champion des raccourcis et des analogies
Notre cerveau est programmé pour aller vite, pour ranger chaque nouvelle expérience dans une case connue. Face à l’aïkido, il cherche des repères familiers : kimono = judo ou karaté, dojo = club sportif, maître = entraîneur. sens.
Cette analogie automatique est une source d’erreur majeure. On croit comprendre, mais on projette sur l’aïkido des valeurs et des fonctionnements qui lui sont étrangers. sens.
Ce phénomène est renforcé par le misonéisme, cette tendance naturelle à rejeter la nouveauté ou ce qui nous dérange. Plutôt que de remettre en question nos schémas, nous préférons adapter l’aïkido à ce que nous connaissons déjà, quitte à en dénaturer le sens.
1. Le piège de l’ego et de la performance
Dans la culture occidentale, la réussite se mesure souvent à l’aune de la performance, de la compétition, de la rapidité des résultats. Dès l’enfance, on nous apprend à viser l’excellence, à être “le meilleur”, à accumuler des récompenses.
En Occident, dès le plus jeune âge, nous sommes formatés à la compétition et à la comparaison. L’école, le sport, le travail : tout nous pousse à nous mesurer aux autres, à chercher à être le meilleur, à consommer pour satisfaire des besoins souvent artificiels. Ce schéma mental s’impose même dans nos loisirs, où l’on cherche la performance, le classement, la reconnaissance sociale.
Dans ce contexte, aborder l’aïkido traditionnel avec ce bagage, c’est risquer de tout interpréter à l’envers.
Or, l’aïkido traditionnel ne fonctionne pas ainsi. Il ne s’agit pas de battre un adversaire, mais de s’harmoniser avec lui, de canaliser l’énergie plutôt que de la dominer.
Notre cerveau, conditionné par cette logique de compétition, résiste. Il cherche des repères familiers : des ceintures à collectionner, des techniques à maîtriser rapidement, des victoires à remporter. Mais l’aïkido demande de lâcher prise, de se vider de ces attentes, de accepter de ne pas “savoir” pour mieux apprendre. Cette remise en question est déstabilisante, car elle heurte notre besoin de contrôle et de reconnaissance sociale.
2. La culture du “faire” contre celle de l’“être”
En Occident, nous sommes formatés pour “faire” : produire, consommer, agir. L’aïkido, lui, est avant tout une pratique de l’“être”. Il ne s’agit pas d’enchaîner des mouvements mécaniques, mais de cultiver une présence, une conscience de soi et de l’autre. Cette approche est radicalement différente de notre éducation, qui valorise l’efficacité et la productivité.
Notre cerveau, habitué à la gratification immédiate, s’impatiente. Il veut des résultats visibles, des progrès tangibles. Pourtant, l’aïkido traditionnel se joue sur le long terme, dans la répétition, la patience, l’introspection. Cette lenteur est perçue comme une frustration, alors qu’elle est au cœur de la transformation intérieure que propose l’art martial.
3. L’individualisme contre l’harmonie collective
La société occidentale exalte l’individu, son autonomie, sa singularité. L’aïkido, à l’inverse, place l’harmonie collective au centre de sa pratique. Sur le tatami, on apprend à s’adapter à son partenaire, à sentir son énergie, à répondre sans opposition. Cette interdépendance est étrangère à notre culture, qui célèbre la réussite personnelle et la distinction sociale.
Notre cerveau, conditionné à se protéger et à se démarquer, a du mal à accepter cette vulnérabilité. Il interprète l’absence de résistance comme une faiblesse, alors qu’elle est une force dans la philosophie orientale. Cette mécompréhension peut mener à des blocages, voire à l’abandon de la pratique, par peur de perdre son identité ou son statut.
4. La méconnaissance des fondements philosophiques
Enfin, notre approche des arts martiaux est souvent superficielle. Nous en retenons les aspects spectaculaires (les chutes, les projections), mais nous ignorons les fondements philosophiques qui les sous-tendent : le respect (rei), la non-violence (ai), l’unification des énergies (ki). Ces concepts, centraux dans l’aïkido, sont rarement enseignés en Occident, où l’on privilégie la technique à la spiritualité.
Notre cerveau, en quête de sens, se perd. Il cherche des explications rationnelles, des méthodes claires, alors que l’aïkido traditionnel repose sur l’expérience, l’intuition, la transmission orale. Cette absence de repères intellectuels peut générer de la frustration, voire un sentiment d’imposture : “Je ne comprends pas, donc je ne suis pas à ma place.”
L’aïkido traditionnel : une logique orientale à l’opposé de l’Occident
L’aïkido traditionnel est fondé sur la philosophie orientale du yin/yang, sur la complémentarité, la non-opposition, la recherche de l’harmonie. Il n’y a pas de compétition, pas de champion, pas de comparaison. Chacun progresse à son rythme, sans se mesurer aux autres. L’objectif n’est pas de vaincre un adversaire, mais de s’améliorer soi-même, de trouver sa place, de respecter ses limites et celles des autres.
Cette logique est difficile à saisir pour un esprit occidental, habitué à la performance, à la norme, à la consommation. On croit savoir, mais on est à l’opposé de la conception des arts traditionnels orientaux. Il faut du temps, de la curiosité et de l’humilité pour accepter de ne pas comprendre tout de suite, pour se laisser transformer par la pratique.
Comment dépasser ces illusions ?
Reconnaître ces biais culturels et cognitifs est le premier pas vers une pratique plus authentique. Voici quelques pistes :
  • Accepter de ne pas savoir : Lâcher prise sur l’idée de maîtrise immédiate, se permettre d’être débutant, même après des années de pratique.
  • Privilégier la qualité à la quantité : Mieux vaut une technique exécutée avec conscience qu’une dizaine de mouvements mécaniques.
  • Cultiver la patience : Comprendre que la progression en aïkido se mesure en décennies, pas en semaines.
  • S’ouvrir à la philosophie orientale : Lire, échanger, méditer sur les concepts de ki, d’harmonie, de non-dualité.
  • Pratiquer avec humilité : Reconnaître que chaque partenaire, quel que soit son niveau, a quelque chose à nous apprendre.
Sortir de l’erreur : changer de regard, changer de vie
Pour profiter pleinement de l’aïkido traditionnel, il faut accepter de remettre en question ses certitudes, de sortir du schéma de la compétition et de la consommation. Il s’agit d’un art, pas d’un sport. On n’y vient pas pour être le meilleur, mais pour évoluer, s’épanouir, trouver l’équilibre entre corps et esprit.
C’est une démarche exigeante, mais profondément enrichissante. L’aïkido traditionnel invite à la découverte de soi, à la rencontre de l’autre, à la construction d’une communauté fondée sur le respect et la diversité.
C’est une voie qui transforme non seulement la pratique, mais aussi la vie.
Notre culture occidentale et le fonctionnement de notre cerveau nous induisent souvent en erreur lorsque nous abordons l’aïkido traditionnel. Pour dépasser ces biais, il faut accepter de changer de perspective, de s’ouvrir à une logique différente, celle de la tradition orientale. C’est le prix à payer pour accéder à la richesse et à la profondeur de cet art martial unique.
Conclusion : une invitation au voyage intérieur
L’aïkido traditionnel n’est pas un sport, ni même un art martial comme les autres. C’est une voie (un “do”), un chemin de transformation qui bouscule nos certitudes et nos habitudes. Notre culture et notre cerveau nous induisent en erreur en nous faisant croire que nous savons, alors que nous ne faisons qu’effleurer la surface.
La vraie pratique commence quand on accepte de se tromper, de se remettre en question, de se laisser guider par une sagesse millénaire. C’est là, dans cet espace d’inconfort et de vulnérabilité, que réside la beauté de l’aïkido : non pas dans la maîtrise, mais dans la quête perpétuelle d’harmonie, avec soi-même et avec le monde.

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— Tamura sensei

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